Vous saurez tout sur l’épisiotomie !
«L’épisiotomie est l’opération chirurgicale la plus fréquemment pratiquée sur les femmes. Son usage est si routinier qu’on semble souvent oublier que c’est une procédure chirurgicale, avec les risques, complications et conséquences que cela comporte»
Barbara K Rothman, Encyclopediae of Childbearing, Greenbook, 1992
Depuis l’été 2017 est lancé le débat sur les violences obstétricales. L’épisiotomie en fait partie. Des non-dits et des fausses rumeurs circulent depuis sur internet, la télévision et les journaux. Nous nous sommes intéressés à ce sujet et nous livrons un état des lieux à propos de cet acte chirurgical qu’est l’épisiotomie.
1. Le périnée en question
Le périnée est l’ensemble des muscles qui vont du pubis jusqu’au coccyx. Pour simplifier, le périnée se trouve entre le vagin et l’anus. Il mesure en moyenne entre 2 et 6 cm et a un rôle important lors de l’accouchement par voie basse. C’est lorsque la tête du bébé se défléchit (après être descendue dans le bassin) que le périnée va s’amplifier et ensuite permettre l’expulsion du bébé. Son rôle est également de soutenir les organes pelviens (utérus, vessie, rectum).
2. L’épisiotomie, c’est quoi exactement ?
C’est un acte chirurgical effectué par un gynécologue-obstétricien ou par une sage-femme. L’épisiotomie est l’incision du périnée, à l’aide d’une paire de ciseaux stériles, afin d’agrandir l’ouverture du vagin et permettre à la tête du bébé de sortir plus facilement, plus rapidement. Cette incision mesure en moyenne entre 3 et 4 cm. Elle peut se faire selon deux directions. Verticale, vers l’anus ou dite « épisiotomie médiane ». Sur le côté droit, à 45 degrés par rapport à l’horizontale, appelée « épisiotomie médio-latérale ».
3. Le taux d’épisiotomie en France
L’enquête nationale périnatale de 2016 a rendu les résultats suivants.
Le taux d’épisiotomie chez les primipares et les femmes accouchant pour la première fois voie basse est de 35%.
Pour les multipares (femme qui a déjà accouché au moins une fois voie basse) il est de 10%. Ce qui fait une moyenne nationale de 20%.
http://www.epopé-inserm.fr/wp-content/uploads/2017/10/ENP2016_rapport_complet.pdf (page 52).
Chiffres qui n’ont rien à voir avec ce que les médias ont annoncé en 2017 !
Ce qui a le plus retenu notre attention c’est la différence de pratiques en fonction des établissements et ce taux qui ne cesse de diminuer.
4. Pourquoi un tel changement dans les pratiques des professionnels ?
Jusqu’aux années 1980, l’épisiotomie était un geste systématique. L’objectif étant de faire accoucher les femmes rapidement et en « évitant » certains traumatismes. On pensait que l’épisiotomie prévenait les incontinences urinaires et anales, les descentes d’organes ainsi que les déchirures compliquées. Elle était faite si la
patiente attendait un « gros bébé », en cas de forceps, de ventouse, en cas d’accouchement par le siège, de grossesse gémellaire, de souffrance foetale et dès que l’on avait une impression de périnée fragile ou trop étroit.
Entre 1980 et 2000, de nombreux professionnels se sont posé la question de cet automatisme.
Entre 2000 et 2005, l’accès à internet et donc à toute source d’information, interrogea de nombreuses femmes et praticiens sur cette pratique.
Plusieurs études furent alors conduites sur les bénéfices/risques de cet acte chirurgical. Les résultats furent sans appel. L’épisiotomie ne prévient pas les incontinences urinaires. C’est la grossesse et la prise de poids importante pendant la grossesse, qui seraient en partie responsables.
- une patiente qui a été césarisée peut également souffrir d’incontinence urinaire
- l’épisiotomie ne prévient pas les déchirures compliquées, comme la déchirure du sphincter de l’anus
- la descente d’organes résulte elle aussi du nombre de grossesses ainsi que du poids des bébés
La meilleure prévention de ces « complications » de la grossesse reste la rééducation périnéale. En effet celle-ci sera proposée à toute femme ayant été enceinte, quel que soit le mode d’accouchement. Elle sera prescrite lors de la visite post-natale. La rééducation périnéale se fait selon différentes techniques (sonde ou manuelle) et est pratiquée par la majorité les sages-femmes libérales ainsi que par certains kinésithérapeutes.
Malgré ces études, certains établissements continuent de pratiquer cette technique de manière presque systématique, tandis que d’autres ont réduit fortement leur taux sans augmenter le nombre de traumatismes du périnée.
5. L’épisiotomie, un réel traumatisme ?
L’épisiotomie est loin d’être un geste anodin. C’est bien pour cela qu’il est classé dans la catégorie « acte chirurgical » et que seulement les professions médicales ont le droit de le pratiquer. A contrario d’une déchirure périnéale, celle-ci ne respecte pas le sens des fibres musculaires. Elle reste cependant nécessaire dans certaines conditions. Mais les pratiques évoluent. Pour la majeur partie des maternités et des praticiens, la seule indication de l'épisiotomie reste l'appréciation clinique de l'accoucheur.
En tant que femme, elle peut être vécue comme un traumatisme ou violence. Toute cette polémique sur les violences obstétricales a mis le doigt sur le respect du corps de la femme et le droit de choisir ce qui nous convient le mieux, ainsi que d’être informé sur cet acte.
Nous ne rentrerons pas dans ce débat bien entendu.
A chacune son expérience et son vécu personnel.
Article mis à jour le 10/07/2018 par Irène Devaux, Sage-Femme à la maternité de l'Etoile, Aix-en-Provence.
Article posté le 23/06/2017 à 00:00:00